Interview de Monsieur Pérole, Maire-adjoint de Mouans-Sartoux et responsable de la cantine scolaire.

Mouans-Sartoux est un village des Alpes Maritimes situé à mi-chemin entre Cannes et Grasse. Cette commune de 10 000 habitants a refusé son statut de ville dortoir ou de ville de banlieue de Grasse ou de Cannes pour mettre en place une politique de développement responsable longtemps avant l’essor de la notion de développement durable tel qu’apparue lors du Grenelle de l’environnement.

 Mais depuis quelques mois c’est la cantine de Mouans-Sartoux qui fait parler d’elle.

100 % des repas servis sont bios, alors que la recommandation du Grenelle de l’environnement est de 20 % des repas servis en bio soit un jour par semaine.

La performance de Mouans-Sartoux méritait notre attention.

Voici donc cinq questions à M. Pérole, en charge de la mise en place de cette politique du bio dans les cantines scolaires.

 Comment faites-vous pour arriver à servir 100 % de repas bio en ayant un coût repas dans la moyenne des coûts habituels ?

Effectivement nous avons un coup de matières premières qui varie entre 1,70 et 2,10. Notre coût repas est de 9,57, en tenant compte du personnel de cuisine, du personnel administratif, des amortissements et des animateurs. Nous avons un statut de centre de loisirs pour notre cantine ce qui nous permet d’avoir un très fort taux d’encadrement ; un animateur pour 14 enfants.

Nous avons fait un important travail de gestion. Nous avons commencé en 2008 avec seulement quelques aliments bio pour arriver aujourd’hui en 2012 à 100 % de bio.

La première chose que nous sommes dits c’est qu’il ne faut pas cuisiner pour les poubelles. En restauration collective les poubelles sont malheureusement trop pleines.

Nous avons donc cherché à réduire la quantité de nourriture jetée.

Nous avons mis en place cinq poubelles :

  1. Une pour les entrées
  2. Une pour les protéines
  3. Une pour les desserts
  4. Une pour les accompagnements
  5. Une pour les déchets ultimes

Les poubelles sont pesées tous les jours et les chiffres servent à la fois à l’équipe de préparation et aux animateurs.

Le tableau de pesée est analysé : Est-ce la recette qui n’était pas satisfaisante ? le grammage qui était trop important ?

De cette manière nous avons gagné 10 cents par repas. Et nous avons réduit de 75 % le poids de nos poubelles !

 Ensuite nous avons également réorganisé notre self :

Sur les étagères pour les entrées nous avons une petite ration, une ration normale et puis nous laissons un saladier pour que les enfants puissent resservir. Ainsi ils sont amenés à choisir la ration la plus proche de leur faim et ne sont pas tentés de reprendre trop puisqu’ils peuvent se resservir.

Pour le plat principal, c’est le même principe. Les enfants sont servis au self et la personne qui fait le service demande à l’enfant s’il veut une petite ou une grosse portion. Les enfants ont la possibilité d’avoir du supplément sur les accompagnements. Par contre nous ne donnons pas de supplément sur la viande.

Le dessert est servi en salle. Ce sont des animateurs qui passent entre les tables et demande aux enfants s’ils en veulent. Pour les fruits par exemple ils sont découpés au moment d’être servi ainsi quelqu’un qui veut juste un petit bout de pommes reçoit un quartier de pommes. De cette manière aucun reste de fruit dans les poubelles, chaque enfant a mangé à sa faim et pourtant nous économisons encore jusqu’à la moitié de pommes par rapport à une cantine en fonctionnement classique !

 Ensuite l’animation est un point fondamental :

Un travail d’accompagnement est fait avec des sessions de formations qui regroupent le personnel des cuisines et celui d’animation afin que personne ne se renvoie la balle inutilement.

Notre taux d’encadrement très élevé et l’action éducative menée par les animateurs est une des clés du succès.

 Notre politique d’achat :

Nous avons baissé nos coûts. Nous avons mis en place des lots spécifiques pour le bio (lots d’appels d’offres).

Au début nous avions demandé à nos fournisseurs habituels de nous livrer du bio. Nous avons eu beaucoup de problèmes techniques d’approvisionnement, et des produits peu pertinents comme des fruits d’argentine.

En passant des marchés plus petits avec des fournisseurs spécialisés nous avons obtenu de biens meilleurs résultats.

Le bio nécessite un savoir-faire spécifique que nos fournisseurs habituels ne maîtrisaient pas de matière satisfaisante. De plus nous avons réussi à trouver des produits locaux c’était d’ailleurs un des objectifs que de faire travailler des paysans locaux.

Nous avons trois cuisiniers, un économat central. Tous les repas sont préparés le jour même.

 Pourquoi cet objectif de 100 % en bio ?

Notre maire (André Aschieri ) a toujours été un écologiste convaincu. Fondateur de l’AFFSET (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail

[NDLR L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) est un établissement public administratif de l’État placé sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l’écologie et du travail.
Dans le but d’assurer la protection de la santé humaine, l’agence a pour missions :

– d’évaluer les risques dans ces domaines de compétence, notamment les risques liés aux produits chimiques,

– de réaliser ou faire procéder à toute expertise, analyse ou étude nécessaire,

– de fournir aux autorités toutes les informations sur les risques sanitaires et les conseils nécessaires à l’élaboration de dispositions législatives et réglementaires,

-d’exercer une veille scientifique et de mettre en oeuvre des programmes de recherche,

– de susciter le débat, à travers l’édition de publications, l’organisation de colloques et la participation à des manifestations didactiques et scientifiques.

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), l’Afssa et  l’Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail) ont fusionné puis l’Afssa est devenue l’Anses] source de la définition : futura science

Il écrit de nombreux livres sur l’environnement. C’est donc un engagement de long terme que la municipalité a en faveur du développement durable. Je peux citer également la municipalisation de l’eau et des pompes funèbres

Je prends souvent en référence cette étude de 2010 mené par des associations de consommateurs qui ont montré que l’analyse des repas d’un enfant de 10 ans contenait 128 résidus chimiques.

(“128 résidus chimiques qui représentent 81 substances chimiques différentes dont 36 pesticides différents ingérés en une seule journée !  47 substances différentes cancérigènes suspectées et 37 perturbateurs endocriniens suspectés” Référence ici : http://www.menustoxiques.fr/pdf/Rapport_assiette_toxique_281110.pdf)

 

NDLR : candidat soutenu par la majorité présidentielle aux élections législative de Juin 2012 et présent sur la liste Europe Ecologie aux dernières élections européennes. Se reporter à la fiche wikipedia d’André Aschieri pour la biographique complète.

Dernier livre : la fin des terres paru ce mois de Juin 2012

 Et pour 2012 vous avez investi dans des terres agricoles ? Racontez-nous cela.

Les gros fournisseurs ne donnaient pas satisfaction. Nous avons fait des lots pour les producteurs locaux mais il y a très peu d’agriculture dans la région. Une forte demande des particuliers absorbe la production locale et par conséquence nous n’avons pas toujours de réponse aux appels d’offres. D’où la décision d’investir dans des terres agricoles.

  • En 2011 nous avons produit 10 tonnes soit 1/3 de notre consommation au prix moyen de 4,90 le kilo.
  • En 2012 nous allons produire 20 tonnes soit 2/3 de notre consommation à 2,80 kilos.
  • Notre objectif est de 24 tonnes, le prix ne devrait baisser beaucoup plus.

 

Image Mouans Sartoux.net

La régie municipale agricole est indépendante du groupe scolaire. Nous avons embauché un agriculteur et nous avons un emploi insertion de 20h00.

Il y a déjà un jardin dans chaque école. Les enfants vont faire des plantations. Mais nous organisons effectivement des visites de ce terrain agricole de manière à ce que les enfants comprennent d’où vient ce qu’ils mangent. Par exemple à l’automne dernier nous avons une surproduction de blettes alors nous avons envoyé les enfants les cueillir.  Cela nous a aidé à faire passer le surplus.

Nous allons planter quelques arbres fruitiers. Ce n’était pas prévu au départ nous allons planter des pêches, des abricots, des cerises , des prunes et des kiwis qui sont très adaptés à la région.

 Envisagez-vous la vente de produits ?

Nous ne vendons pas la production. Si nous avions une surproduction nous fournirions l’épicerie sociale ou le donnerions à la banque alimentaire.

 Y a-t-il des conséquences au niveau local ? dans les familles ?

N’avons pas d’informations spécifiques sur ce domaine. Nous avons fait un gros travail sur le PNSS. Les enfants savent ce qu’est de la nourriture bio et pourquoi ils mangent bio, les marchés bio locaux ont l’air de bien se porter, le rayon bio du supermarché proche semble florissant, l’épicerie bio est toujours pleine. Il semble que les choses bougent.

Et puis plein de communes nous contactent et personnellement j’interviens régulièrement dans des colloques consacrés à l’agriculture ou à la restauration collective.

 Selon vous qu’est-ce qui fait notre spécificité de pour atteindre cet objectif ?

Les obstacles sont plus intellectuels que juridique ou administratifs.

Le foncier dans de nombreuses régions cause de nombreux problèmes. On n’arrête pas de construire pour l’activité commerciale sur de bonnes terres et en repousse l’agriculture sur des terres moins bonne.

Sur notre commune le nouveau PLU triple la surface agricole de 40 à 120 hectares. Nous allons reprendre 5 % des terres constructibles pour les rendre agricole.

Nous avons fait le calcul que pour nourrir notre commune et ses 10 000 habitants en maraichage bio il faudrait 130 hectares [ NDLR : base de calcul pour nos lecteurs : 200 grammes par repas par habitant en comptant une production 15 tonnes à l’hectare)

Notre PLU intègre donc une autosuffisance alimentaire…

 En conclusion que nous direz-vous ?

Il faut revenir les pieds sur terre, à des choses plus simple.

La moyenne d’un aliment dans notre assiette de 3000 kilomètres. Ce n’est pas cohérent. C’est un système trop consommateur d’énergie qui en plus donne des produits qui ne sont pas de qualité.

  A la lumière de vos remarques ; Que penser du réaménagement de la plaine de la Siagne ?

Il est vraiment dommage de voir comment on décide de construire des zones commerciales sur les meilleures terres que nous avons. Les agriculteurs se retrouvent repoussés dans des zones difficiles à cultiver. La vallée de la Siagne reste une zone dangereusement inondable malgré les réaménagements.

Monsieur Pérol, merci pour vos réponses éclairantes.

N’hésitez pas à prendre contact avec la mairie de Mouans-Sartoux si vous voulez plus de renseignements.

Regardez le reportage de tf1 diffusé récemment :